Les Arméniens catholiques, qui avant cette date dépendaient en théorie des Arméniens apostoliques –c’était le cas, sur un mode très conflictuel parfois, dans les terres centrales de l’Empire ottoman-, se sont placés en Égypte très tôt –on en a des traces dès le début du xviiie siècle- sous l’autorité des catholiques latins et plus exactement des Franciscains de la Terre Sainte qui ont en charge les catholiques orientaux. Et on ne sait pourquoi le père n’est jamais nommé : est-il mort ? Celui-ci s’appuie grandement sur un homme arménien, Nubar Nubarian. C’est le cas pour les Arméniens qui vivent à Boulaq et dans le quartier du Vieux-Caire, deux quartiers excentrés par rapport au « quartier » arménien mais à forte activité commerciale, Boulaq étant le port du Caire lié aux activités avec Rosette puis Alexandrie par la suite, tandis que celui du Vieux-Caire l’est à celles avec la Haute-Égypte. Les individus sont appréhendés par plusieurs critères, variables selon les personnes, qui, combinés, permettent d’identifier chacun sans risque d’erreur, du moins est-ce sans doute l’objectif visé. Avec trois années de flottement cependant, de 1836 à 1838, que l’on peut imputer à l’épidémie de peste, très dévastatrice, qui survient en 1835, deux mois après le départ du prélat16. Le modèle mis en place survit au départ du prélat Guiragos en février 1835 et reste en usage jusqu’en 1864. Dans le premier cas, l’identification est relativement neutre puisque le Siège principal de la spiritualité arménienne apostolique se trouve effectivement à Etchmiadzine ; dans l’autre cas, le point de vue est nettement celui d’une Église qui non seulement n’est pas « du même bord », mais surtout qui se considère comme dépositaire de la vraie foi. 12 Archives des Franciscains de la Terre Sainte, paroisse du Mouski. En 1843, le registre des Arméniens apostoliques du Caire note le décès de « Haroutioun Kurd oghlou dont le surnom (, ) est Ibrahim ». De même, Krikor. Et l’on constate, malgré l’absence de procédure uniforme et fixe d’identification pour les individus, malgré l’absence d’un cadre rigoureux, une forme de régularité. Ce n’est qu’à la toute fin du. Les Arméniens d’Égypte, au tout début du, , sont dans leur grande majorité des migrants (80%) qui parlent le turc ou l’arménien, très peu l’arabe (à part les Arméniens nés en Égypte). Ce sont les Arméniens apostoliques1 que l’on examinera ici, en raison de leur plus grande importance numérique mais aussi parce que les procédures d’identification des individus y varient davantage. Cela n’empêche pas des Arméniens catholiques de donner un parrain arménien apostolique à leur enfant, ce qui ne semble pas poser problème à l’Eglise, ni même d’avoir recours à un témoin de mariage arménien apostolique. Ce sont les Arméniens apostoliques, que l’on examinera ici, en raison de leur plus grande importance numérique mais aussi parce que les procédures d’identification des individus y, . 39À ce nom de baptême ou nom d’usage s’ajoute quasiment toujours, pour les migrants, un nom de relation formé par le nom du village ou de la ville d’origine terminé par une désinence en –tsi (de Van, vanétsi, de Constantinople, bolsetsi, de Agn, aguentsi). Il n’est pas indifférent que Jabartî déplore à plusieurs reprises l’abandon par les chrétiens d’un vêtement distinctif, autre élément d’identification en voie de disparition à l’époque, malgré quelques tentatives de rétablissement qu’il salue, en 1818, sans vraiment y croire : « Que ces mesures seraient bonnes si elles pouvaient durer » (Jabartî, 1997, 1382). 14L’Égypte, province de l’Empire ottoman, reçoit au début du xixe siècle de nombreux immigrants, en nombre suffisant pour que Jabartî8, le célèbre historien et chroniqueur égyptien s’en émeuve : « À cette époque 1820, le problème du logement devint de plus en plus pénible au Caire, qui devint trop petit pour ses habitants, du fait qu’il y avait beaucoup de maisons en ruines et que les étrangers affluaient, surtout les gens qui n’étaient pas de notre religion. Ce texte, approuvé par le pouvoir ottoman, porte sur la réorganisation administrative interne des Arméniens de l’Empire et sur l’équilibre des pouvoirs à l’intérieur de la communauté, entendue ici à l’échelle de l’Empire. De même, en 1864, on apprend que « Monsieur Simeon, originaire de Tokat, qui est Emin Kiachif, est mort à l’âge d’environ 90 ans ». Il est étonnant de voir mentionner qu’elles sont mortes en couches comme c’est le cas, en 1833, pour la femme du tailleur Papel, alors que ce n’était probablement pas une cause rare de mortalité. De plus, l’absence de nom de famille ne permet pas toujours de reconstituer des généalogies fiables. Bien plus nombreux que les Arméniens catholiques, , les Arméniens apostoliques mettent sur pied un enregistrement soigné des personnes à partir de 1826, probablement sous l’impulsion d’un prélat venu de Jérusalem, Guiragos Menatsaganian. On l’apprend toujours un peu par hasard : en effet, il faut que ce soit inscrit pour que l’on en prenne connaissance. Une triple transformation s’opère alors. Le quatrième concerne l’administration nationale des Provinces. Elle les identifiait déjà avant cette date, notamment à l’occasion des baptêmes, mariages et sépultures. 35L’inscription des baptêmes est distinguée de celle des mariages et des sépultures, quoique tous soient rassemblés dans un même registre. Ces patronymes, formés sur le nom du père, son métier, son origine géographique ou sur tout autre élément qui servait à le désigner, sont portés par un individu ou sa fratrie, horizontalement, et ne se transmettent pas à la descendance. 23Le mode d’identification, loin d’être neutre, permet ainsi d’entrer dans les relations complexes que les individus entretiennent entre eux. Ainsi les Arméniens catholiques contractent-ils des alliances avec des maronites (littéralement « de nation maronite », azkav maroni), des grecques catholiques (hoyn katolik), les Arméniens apostoliques épousent des coptes (khepti ou i khepti azké), des grecques orthodoxes, des syriaques. ( Déconnexion /  La communauté arménienne monte alors à plusieurs dizaines de milliers d’individus, des églises et écoles arméniennes sont construites. Ce sont eux qui sont maintenant les hommes importants ; ils occupent de hautes positions, ils portent les vêtements qui conviennent aux grands, ils montent les plus beaux mulets et chevaux ; devant eux et derrière eux, marchent des esclaves et des serviteurs qui, le bâton à la main, chassent les gens pour leur frayer le passage. D’autres encore fuient l’empire pendant le génocide de 1915-1916. 14 Ce nom lui vient peut-être de la rue qu’il habite, Amin Kiachif, dont les Khiṭaṭ de ‘Ali pacha Mubarak signalent qu’elle donne dans le quartier de Ḥârat Zuwayla où vit la majeure partie des Arméniens (Mubârak, 1982 : 72). Il est assisté, pour ce faire, de quatre notables de la communauté des Arméniens apostoliques, qui certifient également être témoins de l’acte. Pourtant, les Arméniens vivent, au début du, siècle, en deux groupes distincts, Arméniens apostoliques et Arméniens catholiques. Jabartî désignait les Arméniens comme chrétiens. L’une de ces communautés est atypique, peu nombreuse et moins connue, celle des Arméniens d’Egypte. malade ? Enfin, la dernière transformation significative consiste en l’émergence progressive d’un état civil. Il faut donc que l’administration en Égypte ne puisse pas contester l’authenticité du document. Certes, ils se fréquentent dans le monde du travail, notamment auprès de Muhammad ‘Alî, nouent des liens d’amitié, mais ne s’épousent quasiment jamais, comme on le constate dans les registres de mariage des deux communautés jusqu’au début du xxe siècle. Toutefois, contrairement aux femmes, les enfants sont presque toujours nommés, même les filles. Catalogue of 546 journals. C’est le cas pour les Arméniens qui vivent à Boulaq et dans le quartier du Vieux-Caire, deux quartiers excentrés par rapport au « quartier » arménien mais à forte activité commerciale, Boulaq étant le port du Caire lié aux activités avec Rosette puis Alexandrie par la suite, tandis que celui du Vieux-Caire l’est à celles avec la Haute-Égypte. Il existait avant cette date une petite communauté arménienne en Égypte, sur laquelle on possède peu de traces. On estime aujourd’hui les Arméniens à peine à 5000 individus. Toutefois, dès le début du, siècle les Arméniens ne forment pas une seule communauté mais deux, apostolique et catholique. ( Déconnexion /  Il existait déjà, depuis le début du xixe siècle, des registres de baptêmes, mariages et sépultures, mais on verra plus bas que l’enregistrement y était très différent de ce qu’il est devenu à partir de 1864. Leurs archives, conservées au Patriarcat catholique du Caire, ne sont plus accessibles depuis plusieurs années. Ce suffixe –ian, qui indique « l’appartenance à une catégorie d’hommes (famille, race, religion, secte, etc.) 33Ce sont les archives des Arméniens apostoliques qui sont principalement examinées ici. Et ce, avant même la reconnaissance du, catholique en 1831. 15Cet extrait, bien que ne nommant pas expressément les Arméniens, fait pourtant penser très précisément à certains d’entre eux, comme Yéghiazar amira : il occupe une haute position -il est ṣarrâf du Trésor personnel de Muhammad ‘Alî-, possède, comme on le découvre dans son testament rédigé en 1827, une maison en ville, dans le quartier franc, et une autre dans le quartier du Vieux-Caire, avec jardin, à proximité du Nil, ainsi que des esclaves abyssiniennes, blanche (plus précisément « géorgienne d’Arménie »)9. Mais comme son père n’est jamais nommé, il est impossible de le situer dans une lignée complète. L’Égypte ne se préoccupe pas d’un état civil commun à tous ses habitants avant les années cinquante du, Anahit Ter Minassian n’hésite pas à parler d’une « véritable lutte des classes » dont elle expose l, La classe financière de l’empire ottoman, en grande partie arménienne au, Le changement de 1864 émane donc plus certainement du Patriarcat de Constantinople, devenu au cours du, siècle le centre politique et administratif des Arméniens de l’Empire ottoman et sous l’autorité duquel les Arméniens d’Égypte se sont placés alors qu’ils dépendaient, pendant le premier tiers du, siècle, de Jérusalem. « Registre de mariage de la nation des Arméniens orthodoxes », ce qui est un usage ancien pour qual, On ne doit donc pas s’étonner que les chrétiens perçoivent, mieux que ne le font les musulmans, les différences entre les rites. Ces différents éléments se présentent sous la forme d’un énoncé plus ou moins long. 10 rûmî c'est-à-dire ici renvoyant à sa provenance géographique, à savoir les terres centrales de l’Empire. Mais il ne faisait pas de différences entre eux, non plus d’ailleurs que le recensement de 1846-48, premier recensement mené en Égypte. Si les affaires courantes sont prises en charge par des greffiers, ce qui dénote la présence d’un embryon d’administration, dans le cas d’affaires plus importantes comme l’authentification d’actes testamentaires, c’est au plus haut niveau que la communauté s’engage. » - Oh ! Le titre de mahdési ne se confond pas avec l’origine géographique de Jérusalem qui est indiquée sous la forme yerousaghematsi, comme on l’a vu plus haut avec l’exemple de mahdési Hagop de Jérusalem (yérousaghématsi mahdési Hagop). De même, la rue où se trouve l’église arménienne, Ḥârat Zuwayla, se transforme-t-elle dans leurs documents en haret zevélé, les Arméniens écrivant (et prononçant) v le wâw égyptien, comme les Turcs. 15 Les Arméniens catholiques conservent également leurs archives au Caire, au Patriarcat arménien catholique mais, depuis quelques années, elles ne sont plus consultables. Soumission : Recommandations d’écriture aux auteurs. C’est la première grande vague de migration. Le registre, de décès signale ainsi, en 1846, que « quelqu’un qui est un immigrant originaire d’Arapkir est mort à l’hospice » (, isbitarian arapkertsi kharib vomen hankiav, ) et qu’un immigrant originaire de Malatia est mort dans la maison du tailleur Garo (, malatiatsi kharib(n) terzi Garo-in doun mérav, ). Les Arméniens présents en Egypte au début du xixe siècle sont majoritairement des immigrants récents. Tous signent et apposent leurs sceaux. Cela n’empêche pas des Arméniens catholiques de donner un parrain arménien apostolique à leur enfant, ce qui ne semble pas poser problème à l’Eglise, ni même d’avoir recours à un témoin de mariage arménien apostolique. Son nom, Garabed, malgré la déformation –Karâbît- subie lors de sa transcription en arabe sous la plume de Jabartî, le désigne vraisemblablement comme Arménien (Jabartî, 1997, p. 996). 42D’autres éléments personnels peuvent être notés, comme les surnoms, en turc (topal, boîteux), en arménien (zevzeg, frivole, gardj, court, de petite taille) et parfois en arabe (abiat Youssef) nés d’une caractéristique physique ou d’un trait de caractère ou encore des mentions qui concernent la vieillesse (barav, réservé aux femmes, dzérouni), le jeune âge (yéridasart hasagui). Ce suffixe –ian, qui indique « l’appartenance à une catégorie d’hommes (famille, race, religion, secte, etc.) 10Le changement de 1864 émane donc plus certainement du Patriarcat de Constantinople, devenu au cours du xixe siècle le centre politique et administratif des Arméniens de l’Empire ottoman et sous l’autorité duquel les Arméniens d’Égypte se sont placés alors qu’ils dépendaient, pendant le premier tiers du xixe siècle, de Jérusalem. Il arrive même que l’on ne connaisse pas son nom alors que l’on connaît son origine géographique, ce qui montre l’importance que les individus accordent, en période d’immigration, à l’origine géographique. Feydit Frédéric, 1969, Manuel de langue arménienne, Arménien occidental et moderne, Paris, Klincksieck. Il n’existe pas de rubriques séparées. Il entérine à la fois la démocratisation des institutions arméniennes de l’empire et leur sécularisation. Les individus sont appréhendés dans les nouveaux registres selon dix rubriques, identiques pour tous les membres du groupe, hommes, femmes et enfants, chacune formant une colonne séparée des autres par une ligne tracée sur la page. 17 L’hospice communautaire est tantôt désigné en arménien, hivantanots, tantôt en turc, ispitalia ou isbitarian, d’après la transcription en caractères arméniens, terme dont l’origine apparaît clairement italienne mais qui fait partie du vocabulaire des dictionnaires turcs de l’époque comme celui de D. Kélékian et dont il est dit qu’il s’emploie pour désigner les hôpitaux des communautés non-musulmanes, p. 74 de la version de 1911. Le premier de ces critères est le (pré)nom, généralement de baptême encore qu’il puisse s’agir d’un nom d’usage comme on l’a vu plus haut avec l’exemple d’Emin Kiachef. Le modèle mis en place survit au départ du prélat Guiragos en février 1835 et reste en usage jusqu’en 1864. Il existait avant cette date une petite communauté arménienne en Égypte, sur laquelle on possède peu de traces. De même, les individus ne sont pas toujours désignés de la même façon. À ce nom de baptême ou nom d’usage s’ajoute quasiment toujours, pour les migrants, un nom de relation formé par le nom du village ou de la ville d’origine terminé par une désinence en –tsi (de Van, ). Les remarques mentionnant explicitement les Arméniens apparaissent entre 1812 et 1821, date finale de la chronique. Certains prénoms, plus courants que d’autres (par exemple Hagop, Garabed, Boghos, Bedros), appellent impérativement un complément d’information pour que l’on ne confonde pas les individus les uns avec les autres. L’hospice communautaire est tantôt désigné en arménien. L’adoption, en 1864, de méthodes administratives efficaces, tant dans la forme que dans le fond, contraste tellement avec celle qui prévalait auparavant que je m’attarderai davantage sur l’identification avant cette date pour connaître, en l’absence de cadre formel contraignant — ce qui ne signifie pas pour autant absence de règles, — quels furent les choix opérés pour identifier les individus et ce qu’ils nous révèlent. Nubar évoque dans ses Mémoires, donc bien des années après, une conversation avec Ibrahim pacha, fils de Muhammad ‘Alî, alors qu’ils sont sur le chemin du retour d’un voyage en Europe en 1846, voyage pour lequel il a été attaché comme secrétaire à Ibrahim. 11 mukhâlifîn li-l- milla (Jabartî, 1997, 1477). La mention des infirmités, de la maladie -on trouve des aveugles (gouïr), des manchots (tcholak), des gens à qui il manque un doigt (parmakseuz), etc.- montrent que les individus sont très vulnérables, qu’ils peuvent en effet ne plus être aptes à travailler, ce qui justifie en partie la subvention qu’ils reçoivent de la communauté, également notée. Il avait même été autrefois employé chez l’oncle d’Aleksan, Yéghiazar amira, lui-même originaire de Agn. Le clivage musulman/chrétien n’est pas opératoire ici, pas plus que celui supérieur hiérarchique/subalterne. Il en est ainsi de ce concessionnaire de la douane de Boulaq, que Jabartî qualifie, en 1812, de chrétien du pays de Rûm, ). 28Toutefois, l’identification ne vient pas que de l’extérieur, de l’autre. Ce sont eux qui sont maintenant les hommes importants ; ils occupent de hautes positions, ils portent les vêtements qui conviennent aux grands, ils montent les plus beaux mulets et chevaux ; devant eux et derrière eux, marchent des esclaves et des serviteurs qui, le bâton à la main, chassent les gens pour leur frayer le passage. Avant cette date, la mention de ce qui pouvait s’apparenter à un nom de famille était aléatoire : certaines personnes portaient déjà ce suffixe – comme Bilezigdjian - mais cela restait une pratique assez rare, et répandue plutôt dans les documents de nature officielle comme les testaments que dans l’enregistrement courant des baptêmes, mariages ou sépultures. Même lors de leur mariage, elles ne sont généralement ni décrites ni nommées. Il l’est aussi par ses relations avec son entourage familial ou professionnel. À partir de 1832, ils se dotent d’institutions et de bâtiments qui leur sont propres. C’est ce que montre par exemple l’acte de décès, en 1833, de la « fille de Fesdek et femme de, . »  et dont Frédéric Feydit explique qu’il « a servi à former la très grosse majorité des noms de famille » (1969, p. 240), on le voit littéralement s’imposer sous nos yeux à partir de 1864. Changer ), Vous commentez à l’aide de votre compte Google. 21 Qu’on retrouve à l’identique, mais dans des langues différentes, aussi bien chez Jabartî que dans les archives des Arméniens catholiques, ou celles des Franciscains de la Terre Sainte, qui s’occupent des catholiques orientaux. On remarque cependant, malgré la rareté des informations les concernant, qu’elles effectuent également le pèlerinage à Jérusalem, qu’elles portent des titres honorifiques spécifiques comme ceux de khatoun ou doudou, souvent en lien avec la situation sociale de leur père ou époux. Les migrants s’adaptent à leur environnement et en quelque sorte se traduisent. Pendant tout le siècle, la communauté à laquelle ils appartiennent est l’instance de validation de leur identité. Si elles sont bien inscrites dans les registres à l’occasion d’un fait relatif à leur personne –baptême, mariage, décès- la procédure d’identification les saisit indirectement, par leur lien à un homme, et c’est alors l’homme auquel elles se, rapportent qui est décrit. La première est matérielle. 37Le premier de ces critères est le (pré)nom, généralement de baptême encore qu’il puisse s’agir d’un nom d’usage comme on l’a vu plus haut avec l’exemple d’Emin Kiachef. Ainsi en 1826, lors de son (deuxième) mariage, le bijoutier Meguerditch est appelé Papaz oghlou. Les deux églises nationales sont non chalcédonienne, et des Arméniens ont été artisans pour les chrétiens d’Egypte au moyen-âge, comme en témoignent les indications du musée copte du Caire. Ce qui pose la question de leur « neutralité » religieuse ou communautaire, déjà évoquée plus haut. 2Toutefois, il est une institution où il semblerait qu’on puisse les trouver décrits de manière plus stable : leur communauté. Ce n’est qu’à la toute fin du xixe siècle qu’il se fige et se lègue, inchangé, aux générations suivantes. 2 Leurs archives, conservées au Patriarcat catholique du Caire, ne sont plus accessibles depuis plusieurs années. Kaufhold Hubert, 1991/75, « Der Ehrentitel « Jerusalempilger », Oriens Christianus, Wiesbaden, Harrassowitz, p. 44-61. En effet, non seulement leur existence répond aux objectifs clairement énoncés dans la Constitution, mais aussi ils contrastent fortement avec l’enregistrement qui existait auparavant. », - «  C’est vrai, mais tu ne connais pas encore le vieux lorsqu’il se fâche et qu’il grince des dents. À partir de 1832, ils se dotent d’institutions et de bâtiments qui leur sont propres. Et ce ne sont pas seulement les différences entre eux que les Arméniens savent précisément identifier, mais celles qui existent à l’intérieur de l’ensemble des chrétiens. Les Arméniens sont nombreux au Moyen Orient, où beaucoup se sont installés après avoir fui la Turquie. D’autres critères, comme la sujétion (hebadagoutioun), terme ancien que les Arméniens continuent à employer pour qualifier la soumission du sujet d’empire alors que la nationalité ottomane est fondée en 1869, seront ajoutés à la toute fin du xixe siècle, ce qui ne doit probablement rien au hasard, dans une période d’émergence de l’identité nationale égyptienne et de début de la formalisation de ce que sera la nationalité. La séparation des pouvoirs s’y applique de la même manière : « l’évêque diocésain est le Président avec pouvoir exécutif du conseil provincial. Et quand elles le sont plus ou mieux, c’est souvent parce qu’elles sont liées à un notable (comme le montre l’acte de décès en août 1829 de, ) ou qu’elles sont seules (décès en 1830 de «, Mariam, vieille et aveugle, originaire de Jérusalem »). 4 La classe financière de l’empire ottoman, en grande partie arménienne au xixe siècle, et, de ce fait même, l’élite dirigeante des Arméniens. Pour les Arméniens nés en Égypte, adultes au moment de l’enregistrement, le scribe indique parfois la mention égyptien (, Le métier est très fréquemment indiqué. Par leur rôle hors du groupe, ils constituent également une protection pour le groupe tout entier. Les Arméniens ont été en contact relativement tôt avec les égyptiens, probablement dès la période romaine et pour sur chrétienne. D’un autre côté, l’administration des Arméniens est rationalisée à l’échelle de l’Empire, comme on le voit dans l’article 13 du titre II, intitulé « Greffe du Patriarcat ». Les migrants s’adaptent à leur environnement et en quelque sorte se traduisent. 44Mais l’individu n’est pas seulement identifié par ces éléments qui lui appartiennent en propre. Il arrive très souvent que les femmes ne soient pas nommées, comme on le voit dans l’exemple précédent, alors que c’était très rare pour les hommes. Concernant la localisation, certains éléments plus précis encore sont fournis comme l’hébergement à l’hospice communautaire, on l’a vu plus haut, ou la résidence, pour les individus célibataires plutôt, dans une wakâla. Il a pour devoir de veiller à l’exécution des clauses de la Constitution dans la Province »6. Tout d’abord, les enfants ne sont jamais rapportés à leurs deux parents mais à leur seul père, comme sur le modèle suivant, en 1828,  du baptême des « deux filles jumelles de Zadig, Héghiné et Dirouhi ». Les migrants s’adaptent à leur environnement et en quelque sorte se traduisent. Kardachian, 1986, Notes pour l’histoire des Arméniens d’Égypte, tome 2, Venise. Les Arméniens catholiques, qui s’appellent de manière officielle sur leurs registres, au cours du, , nomment les Arméniens apostoliques Arméniens d’Etchmiadzine (, , en 1865). On note un certain nombre de pratiques, comme l’adoption, importante, présente par la mention enfant adopté (, Les étrangers (à la communauté) sont, quant à eux, désignés également de façon sommaire, par leur « nation », comme on l’a vu pour les Arméniens quand ils étaient perçus de l’extérieur. » - « À plus forte raison, je ne dirai rien. La pratique du concubinage est assez courante au début du xixe siècle, et elle est loin de ne concerner que les seuls Arméniens apostoliques, comme le montrent les archives catholiques des Franciscains de la Terre sainte ou celles des Arméniens catholiques à partir de 1832. Dans le premier cas, l’identification est relativement neutre puisque le Siège principal de la spiritualité arménienne apostolique se trouve effectivement à Etchmiadzine ; dans l’autre cas, le point de vue est nettement celui d’une Église qui non seulement n’est pas « du même bord », mais surtout qui se considère comme dépositaire de la vraie foi. 8Enfin, la dernière transformation significative consiste en l’émergence progressive d’un état civil. En effet, non seulement leur existence répond aux objectifs clairement énoncés dans la Constitution, mais aussi ils contrastent fortement avec l’enregistrement qui existait auparavant. Nubar évoque dans ses. Les Arméniens sont nombreux au Moyen Orient, où beaucoup se sont installés après avoir fui la Turquie. Au début du 19e siècle, nombre d’entre eux effectuaient le pèlerinage à Jérusalem, découvrant à la fois la ville sainte et ses institutions arméniennes, notamment le couvent des Saints-Jacques, participant ainsi tant à la fabrique de Jérusalem qu’à celle d’une Jérusalem arménienne. parti travailler ailleurs ? Jusqu’à cette période, l’état civil, ou ce qui en tenait lieu auparavant, l’enregistrement des individus pour des actes religieux, est entièrement du ressort des communautés. Ce qui ne les empêche pas nécessairement d’être appelés Monsieur, comme ce Monsieur Zadig (aghkad baron Zadig) qui meurt en octobre 1830. 3Comment l’administration communautaire procède-t-elle à l’identification des siens ? Les remarques mentionnant explicitement les Arméniens apparaissent entre 1812 et 182, L’Égypte, province de l’Empire ottoman, reçoit au début du, siècle de nombreux immigrants, en nombre suffisant pour que Jabartî. Quelques villes d’origine sont indiquées en arménien ou en turc et parfois indifféremment dans les deux langues : c’est le cas par exemple pour Garin (garnétsi)/Erzéroum (erzéroumtsi), Paghech (paghéchétsi)/Bitlis (bitlistsi).